La tentative d'excommunion !...
En somme, c'était une sorte de gourou, ( en tout bien tout honneur, un vrai et bon, quoi qu'en disent certains esprits réfractaires parmi ceux qui rodaient en ces mêmes lieux, lorsqu'un matin de 58, ils tentèrent de me mettre au ban du groupe. Oui mes amis, je dis bien une tentative d'expulsion et je ne me souviens plus de quel des deux, A ou Jb.., était le plus acharné. Je me souviens que nous étions peu nombreux: outre les 2 précités, il y avait Marion et Pierre, Casimir, Anne( ?) Gosset, Henri Leroy probablement, puis Maurice et Bob. Nous venions d'arriver Tahar et moi. J'avais gardé mon costume prince de Galles étant venu à Vespa directement de mon travail. Ils semblaient dans un état d'exaspération par le grief que je n'étais pas un assidu de la messe ou du comité d'accueil de Monsieur le curé qui venait régulièrement partager notre repas. C'est vrai que j'étais plutôt versé sur les soirées animées par le bal du village. D'ailleurs, même Roland Ménard m'accompagna par deux fois: ces rencontres nous ont valu avec Tahar, d'être en excellente relation avec les jeunes du village qui m'appréciaient, alors que le directoire du Moulin craignait l'inverse et ne savait comment s'attirer la sympathie des autochtones, comme réagissent souvent d'ailleurs les Parisiens et autres étrangers. D'ailleurs M. le curé d'Etais La Sauvin, me connaissait bien pour m'avoir rencontré plusieurs fois au village, ou chez Adenin le seul bistrot du village qui faisait office de salle des fêtes. On voulait donc "m'excommunier" du Moulin! C'était dû au fait de l'ami Rolland qui leur ayant relaté les escarmouches de deux amies du groupe, à mon sujet avait jeté le trouble chez ceux qui ne toléraient absolument pas ce genre d'histoire fut-elle anodine et plutôt sympa comme disait l'ami Bob qui écrira plus tard .

Plus tard, je connus aussi d'autres démonstrations de civilités par des gens venus d'ailleurs. C'est une sorte de film de catégorie médiocre, servile et vénale, auquel j'assistais ou dont j'étais le pâle acteur. Car, bien qu'étant sur l'autre versant de la montagne, loin de Saint-Sauveur, ce sont pourtant bien les gendarmes de cette brigade qui sont venus m'interroger sur ma présence au Moulin. J'étais sidéré par cette inspection des lieux, car ils croyaient qu'il y avait des caches d'armes. Sans doute comme cela se reproduisit vers 1994-95, je faisais l'objet de mesquines dénonciations, au motif plus de jalousie que de crainte du même nom à la mode de nos jours ; et cela est franchement désolant même si cela eut lieu dans des contextes différents.
En ce temps-là, la guerre d'Algérie était à son point culminant. A Paris la répression faisait rage pour tout ce qui avait le teint « méditerranéen ». Tahar et moi comme tous nos compatriotes franco-algériens, étions souvent traqués par les rafles incessantes que nous subissions et nous étions parqués au Veldhiv...Tiens, tiens ce nom ? C'est pourquoi, lorsqu'il y eut cette tentative d'expulsion délibérée, j'étais déconcerté comme incrédule de ce qui m'arrivait. N'était-ce pas une infamie ? Ils n'avaient pas fait la part des choses, nos fameux copains. Nous n'étions pas des païens Tahar et moi car, ils le savaient pourtant bien, nous, qui à Paris les accompagnions bien à l'église St Séverin, par exemple. J'avais très mal ressenti leur réaction et la manière de faire car on ne m'avait pas « sermonné » Non ! C'était tout de go, barra, fissâa ! En arabe « dehors, vite ! »
En ce temps-là, bien des « ténors » du moulin se flattaient d'être de gauche, mais à aucun moment je n'ai vu personnellement le moindre geste de témoignage de compassion ou de solidarité. Ce n'est d'ailleurs que plus tard après sa démobilisation, que je fis la confidence à BOB à propos de notre participation au FLN. En ces "années de braise", chacun, bien sûr, approuvait le fait de prétendre à l'indépendance de l'Algérie et la fin d'un colonialisme injuste et oppressant. Pour ma part, j'étais chargé du secteur de la Mouffetard pour l'organisation de réunions et le ramassage des fonds. Personne n'avait jamais su, non plus, que j'avais été incarcéré dans les locaux de la DST, au fond des geôles de la Gestapo suite au « démantèlement » du secteur étudiant de Paris. Nous étions nombreux en cellule et je me souviens notamment de la prestance de Hadj Ali, un homme magnifique, grand et impressionnant par sa carrure et sa fierté. Je le connaissais déjà lorque à Bou-Saâda, je faisais partie de la Jeunesse de L'UDMA. Union Démocratique du Manifeste Algérien) Hadj Ali, en ces temps là était colaborareur de L'Express ou de l'Observateur où il faisait office de critique d'art, cinéma et littéraire, me semble t-il
Les prémices de l'Amitié au Monde" et du Groupe International du moulin ...!...
Lorsque, plus tard, j'en fis confidence, Bob avait été très ému, demeurant presque muet, lui qui comme je le disais, avait beaucoup changé après son retour d'Algérie. Oui, plus tard, Bob s'était repris de cet univers « ecclésiastique » auquel je fais allusion. Il m'avait même donné l'impression de vouloir se faire pardonner des erreurs du passé! Il me sollicitait bien souvent à cette époque-là, pour tenter de faire des projets. En parlant de prospective soit- dit en passant, il m'avait désigné comme chargé des relations publiques. Cela s'est passé lorsque Bob a changé le nom de l'entité du groupe international pour le baptiser : Amitié au monde. Au 151 bis rue de Lourmel, dans le 15e Arrondissment de Paris où il séjournait parfois avec sa mère, depuis la rue de l'Eperon ou l'appartement du Palais Royal, il m'accueillait toujours avec grande joie, se disant appartenir à la communauté des sudistes c'est-à-dire celles des gens ouverts, généreux, sans calcul et sans détour ! Souvent même il venait me chercher à la gare du Nord où je venais chaque week-end de Belgique pour retrouver le joyeuse bande et puis parler du moulin que d'autres projets, rassembler les amis pour manger et boire...D'autres amis étaient souvent réquisitionnés pour ces "fêtes" hebdomadaires, Tania, Jeannot, Pierrot autre Auvergnat du groupe, Richard et Arlette, Blanche, Marie-Claude Oursel, Hervé et Annie, Pépère etc.
Parfois même il aurait aimé faire venir pour le dîner d'un soir de fête les amis implantés aux Amériques, Japon ou en Afrique ne serait ce que pour partager la soirée, le dîner! Barthélemy ou Suzuki!! C'était bobien, comme toutes des donzelles que Bob aimait in petto, seul, sans s'avouer, ni faire partager ! Oh! Une fois il m'en fit l'aveu alors que nous quittions le mas d'Eyguières pour nous rendre à Capu di Muro car elle y était. A Paris, il lui avait envoyé un inattendu bouquet de fleurs avec une demande de mariage. Parfois, Bob était vraiment inattendu dans sa spontanéité. J'aimais bien ce côté qui me ressemblait un peu aussi. Le Moulin est magique et souvent la même question revient sur toutes les lèvres : qu'est-ce que le Moulin ? Pour certains c'est un lieu rêvé de détente ou de vacances.. Ce type d'appréciation faisait grimacer notre ami. Mais y revenir souvent, y perdrait-on l'envie, le désir émoussé ! Probablement même si cela aussi paraît inexact : alors disons que c'est un lieu de rêve tout court. Dans le sens qu'on a l'impression d'y venir comme mus par une attraction mystérieuse ou guidés par un appel magique, comme si on était destinés à y vivre comme dans les rêves, dans une autre dimension...un autre espace. Pour moi, ce n'est pas seulement à cause de la beauté extraordinaire du lieu, ni du charme de la construction ancienne, ni son côté rustique, campagnard, son côté rural où chacun se découvre parfois une âme de paysan.
Je crois sincèrement que le moulin a un esprit, le don prodigieux d'attirer, d'adopter, de s'adapter et par-dessus tout «élever l'âme et l'esprit ». Il y a aussi, ne serait-ce que le charme d'une ballade aux alentours ou celui de se pencher à la fenêtre de la grande chambre à coucher de Maurice, pour contempler le panorama ou simplement la petite esplanade avec le puits, les longues tables en bois à l'ombre des grands arbres et leur feuillage, près du bosquet aménagé en jardin. un petit jardin de curé où j'ai souvent exercé mes moindres talents de jardinier pour cultiver des herbes aromatiques au milieu d'un potager de courgettes, de tomates, de coloquintes et entouré de petites fleurs !
La plus grande surprise du Moulin, vient des gens, grands et petits qui y viennent ne serait-ce que l'espace d'un passage furtif. Ici, comme jamais, on ne se fait en si peu de temps et dans un espace aussi réduit, autant d'amis ou de relations. Simples relations d'un jour ou d'une nuit autour de la cheminée ou vrais amis. L'harmonie des lieux, semble déteindre aussi, comme la couleur dans un tableau, sur les êtres humains. Parfois, même lorsque que le silence fait place, on avait le sentiment que chacun se sent à son aise, de n'importe quel lieu, de n'importe quel milieu d'où qu'il vient. Bien des fois, j'ai été impressionné aussi par le mélange de nationalités, un patchwork qui en faisaient son caractère cosmopolite. Ce n'est que plus tard, alors que j'ai travaillé en Belgique entre 1964 et 1957 que j'eus la certitude, en voyant toutes ces personnes être ou devenir amies entre elles, que je croyais que l'unité des pays du monde n'était probablement pas tout à fait utopique.et que Bob était sans doute une sorte d'apôtre, un apostolat du 20ème siècle, prédicateur de l'amitié.. Avec tant de rencontres, de petits week-end ou de grandes fêtes comme Paques, Pentecôte ou la Saint-Jean ou même de grande fiesta bien organisée, avec de la beauté des lieux, de l'ambiance, danse et musique, de la disponibilité, cela faisait éveiller en nous cette certitude sur le bien-fondé de l'humanité et de celle l'amitié.
Bob dans ses rêves prémonitoires, ses cogitations, avait dû imaginer cette réalité puisqu'il écrivait :