L'expédtion ...en Algérie.
J'avais quitté l'Algérie dans des conditions invraisemblables par l'histoire qui fut la mienne là bas au temps de ma prime jeunesse, et la guerre d'Algérie ainsi que mes propres résolutions avaient fait que je n'y étais pas retourné depuis environ quatorze années. Bob avait lancé l'idée géniale d'y aller en expédition pour faire le tour du sud et ses oasis car un copain avaient laissé entrevoir la possibilité de nous faire héberger dans la résidence d'été de ses parents mozabites à Ghardaïa en passant par la Kabylie où d'autres amis étaient enseignants. La tentation était belle, car pour moi cela constituait une occasion rare de faire cette sorte de pèlerinage et de découverte en même temps que de revoir ma famille qui allait subir la plus merveilleuse des surprises. Je ne les avais pas prévenu de notre arrivée, ni du périple que notre groupe allait accomplir.
C'est par une journée radieuse du printemps que nous nous sommes embarqués dans le bateau "Ville d'Alger" à destination de la capitale. Je ne saurais décrire le souvenir et l'émotion extraordinaire qui me saisirent à notre arrivée. L'expédition se déroula dans une ambiance éclatante de joies, de rencontres, d'indicibles découvertes que cela relève du conte. Je découvrais mon pays, j'allais y subir, une fois de plus une aventure des plus prodigieuses de celles qu'on assimile à un rêve, ce rêve éveillé que l'on à peine à croire. D'abord, il y a le paysage et il y a la lumière et cette atmosphère envoûtante comme celle des pays d'Orient.Ce qui frappe d'abord Le voyage en Algérie, c'est l'immensité et la diversité des paysages puis le contraste qu'ils offrent au regard ; et puis cette splendeur des couleurs et des lumières. Puis, à mille lieues de là, les palmeraies qui s'élèvent fièrement dans les oasis de fraîcheur. C'est pourquoi, le voyageur en Algérie subit une sorte de fascination face à une découverte si inattendue. Je me souviens de mes escapades, lors de retour la-bas, après tant d'années d'absence lorsque nous partions avec mes amis et collègues de travail de plusieurs nationalités, sans but pré-défini, un peu à l'aventure. Moi, j'avais pour but, une réconciliation étrange, avec cet univers: si, je ne l'atteignais jamais, il s'expliquerait de lui-même. Admettez seulement que j'aime passionnément cette immensité, celle de la mer, l'océan, ce ciel si proche et le bleu. Il y a deux choses que je brûle de revoir : le ciel scintillant d'étoiles les soirs d'été, sur les dunes ; le ciel sans nuages, au-dessus du désert sans ombre.Après notre périple en Kabylie où je pus découvrir pour la première fois une contrée qui pourrait ressembler dignement à l'Auvergne de Bob, qui en était ravi, nous arrivâmes par un après-midi de chaleur exquise à Bou-Sâada, la Cité du Bonheur, ma ville natale où tout le monde semblait nous attendre ardemment, dans une ambiance frénésie. Après tant d'années cela se conçoit aisément. Et ce fût la fête durant plusieurs jours ...Mostefa, mon neveu et sa mère Barkahoum (qui aimait à dire et faire savoir que j'étais son fils aîné ) se dépensèrent sans compter. Il y avait pour nous les meilleures recettes, les histoires du passé, ma jeunesse avec l'album photos (que je découvrais ) enfin une attention digne de la diffa, cette hospitalité célèbre outre le fait que je revenais après une si longue absence. Il nous fût même, servi les bons vins du pays - à titre tout à fait rare et exceptionnel -....Bob était encore aux anges, et à son habitude faisait " comme chez lui".
Nous fîmes toutes les balades possibles comme pour nous rassasier et les invitations fusaient de partout, car on voulait nous voir, nous recevoir. J'étais quant à moi comme l'enfant prodigue, de retour. Mes parents qui exultaient, ne purent me voir pour eux, que l'espace d'une visite, d'un dîner. On nous avait installé à l'Hôtel Transatlantique, une bâtisse qui avait gaillardement gardé son ossature et ce charme d'antan, avec sa piscine, ses jardins ses mosaïques, ses belles salles qui connurent tant de fastes. L'hôtel ne servit qu'accessoirement car, on nous avait retenus pour dormir chez Barkahoum, ma cousine-soeur et mère.( Que Dieu ait son âme) Le soir, on ne tarissait pas de discuter, de nous apporter une nouvelle friandise à " goûter", car les femmes passaient leur temps à improviser des mets, des pâtisseries, des boissons locales telles que le " Laghmi " qui est la sève du palmier. Notre bande était composée de six personnes et par un fait exprès, nous étions trois garçons et trois filles, sans former de couples véritables. Seul Bob semblait s'intéresser à une des filles : la belle Cécile. La tentation de la séduction était bien sûr omniprésente en chacun de nous et surtout des accompagnateurs venus d'Alger. La lune brillait, entourée de milliards de constellations, au fond de cette nuit pleine de secrets et de magie.
Puis un jour, il fallait partir. Le départ fut difficile le lendemain, on nous fit promettre de revenir vite et souvent... C'est vrai que pour moi il s'agissait d'une si longue absence. J'avais le coeur serré, au moment des embrassades de l'au revoir.La route du désert est incomparable, j'en rêvais depuis toujours. Nous nous dirigions vers Ghardaïa, la perle du sud. Les paysages que nous traversions étaient d'une intense beauté. Nous sortîmes des dunes pour entrer dans ce qui ressemblait au lit d'une rivière, obliquant, à tout hasard, dans le sens de la cité et nous dirigeant sur l'angle Nord-Ouest des jardins ou une villa nous était réservée par des amis. Nous avancions avec peine dans cette terre sablonneuse, écrasés sous un soleil de plomb. A mesure que nous approchions, l'oasis se développait sur la droite, entourée de Benizguen, le Sage et Ain M'zab ou nous allions séjourner au milieu de la palmeraie.A petite distance, nous vîmes venir vers nous un groupe de gens, tous habillés en "mozabites", une tenue traditionnelle... C'était le comité d'accueil. Ils nous souhaitèrent la bienvenue puis nous conduire à la maison d'hôte.Le soir, ils nous convirent à un dîner somptueux, avec des mets purement locaux et une abondance de plats de viande et gâteaux, le tout accompagné d'eau... Religion oblige ! La réception fut chaleureuse, cependant ici, point de divertissement, sinon qu'exceptionnellement nous eûmes le privilège de rentrer dans la salle où se trouvaient les femmes, y compris les jeunes filles qui généralement sont des "mahjoubates", qu'aucun homme ne doit voir, ni leur parler. Cécile et Michèle, Blanche, Jacqueline étaient ravies et comme à Bou-sâada, elles furent maquillées, habillées en habits locaux... On nous autorisa, même à prendre des photos.
Tard dans la nuit nous primes congé de nos hôtes pour finir la soirée entre nous. Ici, en dehors des fêtes et des mariages, il n'y a point de divertissements. Pour comble de joie, il y avait non loin de nous la célébration d'un mariage et la musique résonnait suffisamment pour que nous puissions en profiter toute la nuit, non sans avoir eu, encore, l'honneur d'être invités à entrer dans la salle où trônait la mariée au milieu des innombrables invités. Il y avait une grande effervescence. A la différence des autres, ce mariage était une fête "arabe"...Un grand feu était allumé, ayant servi d'abord à la préparation des méchouis, en avant il y avait des tentes rouges qui servaient de salle à manger pour les invités... L'orchestre consistait en des musiciens armés de tambourins (bendirs) et de flûtes, autant de femmes voilées ou non, escortées d'un grand nombre d'enfants. Les gens entraient dans la danse et s'invitaient d'eux-mêmes au divertissement. Tout ce monde apparu au milieu des feux, y forma un grand cercle et le"bal" redoubla d'intensité au vu de notre arrivée. Je ne sais point à quelle heure a fini la fête, au train ou elle allait, peut-être aurait-elle duré le lendemain encore....Elle et moi nous étions retirés en haut de la dune, sans que personne ne s'en aperçoive. Les autres, croyant qu'à une absence de courte durée, attendirent son retour et l'appelant si fort que l'écho de leurs réclamations parvenait à mille lieues de là... jusqu'à l'éternité, de cette nuit si belle. Ce fut cette nuit là que Bob déclara sa flamme à Cécile, une nuit sublime, nuit inoubliable, nuit sacrée!.
